L’arrivée d’enfants au sein d’un couple impacte significativement les taux d’activité des femmes, et en particulier à partir du troisième enfant : si le taux d’activité des mères en couple avec un enfant de moins de trois ans est de 80 %, il chute à 58 % avec deux enfants dont un au moins de moins de trois ans. [1]
Pourquoi arrêtent-elles de travailler ?
Selon une enquête DARES/CREDOC, « les femmes qui ont arrêté de travailler à la naissance d’un enfant sont majoritairement ouvrières ou employées, moins diplômées et avec plus d’enfants que leurs consœurs ayant conservé une activité professionnelle avec un enfant en bas âge ». [2]
Les raisons évoquées dans 33% des cas, soit sont les conditions de travail (21% des femmes interrogées), c’est-à-dire à des temps de travail jugés incompatibles avec l’ensemble des tâches parentales et domestiques (temps plein ou supérieur à 40h par semaine), des horaires décalés, de longs trajets domicile-travail. Pour 8% d’entre elles, s’arrêter est la conséquence d’un arbitrage financier, et enfin, 13% d’entre elles ont simplement fait le choix de s’arrêter.
L’enquête souligne également que quels qu’aient été « les motifs mis en avant, la moitié des femmes interrogées auraient souhaité continuer à travailler et indiquent que des changements dans leurs conditions de travail, les modes de garde ou encore l’organisation familiale auraient pu le leur permettre. Les trois quarts envisagent de reprendre le travail à une date déjà fixée, en général au plus tard aux trois ans de l’enfant. ».
Le recours au temps partiel peut également apparaître comme une solution pour faire face aux contraintes évoquées ci-dessus. Ainsi, si 25% des femmes n’ayant pas d’enfant ont des emplois en temps partiel, le chiffre passe à 30% à l’arrivée du premier enfant, à 42% avec le deuxième et enfin à 52% pour le troisième.[3] Mais le temps partiel n’est pas la solution miracle pour articuler vie professionnelle et familiale, au sens où elle induit une précarisation, des salaires moindres et au final une moins grande autonomie financière.
Retour à l’emploi
Pour une très large majorité des mères, l’arrivée d’enfants provoque une vulnérabilisation vis-à-vis de l’emploi qui passe par une sortie partielle ou totale du marché du travail, largement subie. Cette vulnérabilisation est d’autant plus forte pour les femmes qui étaient les moins insérées sur le marché du travail avant leur grossesse.
Et si le code du travail fixe les conditions du retour à l’emploi des mères, la réalité peut parfois être tout autre et la tendance à la déqualification et la dégradation des conditions de travail sont courantes, et d’autant plus importantes pour les mères ayant fait le choix d’interrompre leur activité.
Par ailleurs, l’ensemble des études sur le sujet met en évidence que « les mères restent, au sein du ménage, les principales pourvoyeuses de temps parental, fournissant plus du double de celui des pères » [4]
L’arrivée d’un enfant accentue donc le déséquilibre du partage des tâches domestiques entre hommes et femmes, les ajustements touchant essentiellement les femmes : ce sont elles qui s’éloignent du marché de l’emploi, elles aussi qui prennent davantage en charge les tâches domestiques. La naissance et l’éloignement de l’emploi jouent ici en synergie. Malgré l’idéal d’égalité, la répartition des tâches au sein du couple reste fortement déséquilibrée ». [5]
Ce déséquilibre bien souvent plus subi que choisi est un frein réel dans la disponibilité des femmes. Et au-delà de cette réalité, toutes les femmes sont vues dans le marché du travail comme des mères potentielles du recrutement à la promotion, et donc comme étant forcément moins disponibles ou mobiles, ce qui renforce les inégalités.
Et combien ça coûte ?
Les conséquences de l’ensemble des phénomènes décrits précédemment sont extrêmement lourdes, et à plusieurs échelles. La diminution voire la disparition de l’autonomie financière des femmes, puisque elles sont payées en moyenne 27% de moins que les hommes, inégalité qui s’accentue à la retraite : les pensions des femmes sont aujourd’hui 48% inférieures à celles des hommes Cela représente un « manque à gagner » économique due à l’inactivité d’une main d’œuvre formée, pour laquelle des investissements massifs ont été réalisés en termes d’éducation et de formation
Salaire moindre, retraite moindre, temps de loisir moindre d’une part ; vulnérabilité et précarité accrue d’autre part : voilà le triste bilan pour l’ensemble des femmes –projets de maternité ou non – qui payent le prix d’une société qui ne s’est toujours pas organisée pour assurer les renouvellements des générations dans des conditions équitables pour les hommes et les femmes.
Il est temps d’agir ! Si la parentalité est souvent une composante de la vie de chacun, c’est à la société dans son ensemble d’adapter ses normes, ses codes et son organisation et non aux femmes de jongler pour trouver un hypothétique « équilibre » entre vie familiale et professionnelle.
Claire Guiraud
[1] Colin C., Djider Z. et Ravel C., « La parité à pas comptés », Insee Première, N° 1006, mars 2005
[2] D. Méda; M. Wierink, M.-O. Simon, « Pourquoi certaines femmes s’arrêtent-elles de travailler à la naissance d’un enfant ? », Premières informations et premières synthèses, DARES/CREDOC, N° 29.2, Juillet 2003
[3] Enquête Emploi (2001) et LINDA (2001)